Calendrier impitoyable : des grandes équipes à bout de souffle
À deux encablures de 2025 et de la mi-championnat, on est tentés de se livrer à un passe-temps de fin d'année : jouer les augures en pronostiquant les prochains vainqueurs des principales ligues du continent. Tiro Libre s'est prêté au jeu. Un constat : les cadors souffrent. À l'instar de Manchester City habitué à planer sur la Premier League avec six triomphes en sept ans, obtenus en récitant de mémoire un football offensif qui forçait l'admiration. Or, voilà les joueurs de Manchester City méconnaissables, balbutiants, à la recherche de leur collectif au jeu léché et d'une efficience oubliée. Ces Skyblues sont spectateurs des Reds de Liverpool ressuscités à la suite d'une saison 2023-2024 particulièrement décevante ; suivis des Blues de Chelsea emmenés par la pépite mancunienne Cole Palmer en mal de reconnaissance de la part de Pep Guardiola, qui tentent d'effacer plusieurs exercices décevants ; et des Gunners de Mikel Arteta, l'ancien élève du coach des Cityzens, moins performants que l'an passé. Le Real Madrid a perdu sa superbe, concédant plus de défaites en deux mois que durant toute sa saison dernière triomphante. Le Barça, irrésistible en début d'exercice, marque le pas ; tandis que l'Atletico de Madrid d'el cholo Simeone profite de la baisse de régime des deux formations phares du football espagnol pour mener la danse en Liga sous l'impulsion d'un Griezmann encore bien pâle récemment et d'un Julio Alvarez lassé de faire tapisserie en compagnie des remplaçants de Guardiola. L'Inter de Milan ne domine plus la Série A où le Milan est à la peine, laissant la séduisante Atalanta du maître Gian Piero Gasperini et le Napoli occuper la tête de la course au scudetto. Le Bayern Münich alternant victoires enthousiasmantes et prestations décevantes, garde un œil dans son rétroviseur de crainte d'un retour du Bayer Leverküsen avec l'explosion de son joyau Florian Wirtz. Quant au PSG, épargné en division 1 de toute concurrence en l'absence d'une équipe de son standing financier, il affiche une surprenante tolérance au pire bilan de son ère qatarie en Ligue des champions. Et son président renouvelle sa confiance en son « meilleur entraîneur du monde » (sic) ; que « vous ne pouvez pas comprendre ».
Secret de Polichinelle
Ne cherchons pas la raison des chambardements qui secouent le leadership de nos championnats. À l'image des changements climatiques auxquels il faudra bien nous adapter, le grand fauteur de troubles, c'est la répétition des compétitions imposées par les instances dirigeantes du ballon rond. Un secret de Polichinelle qui implique l'accumulation des rencontres, en particulier pour les joueurs des grandes équipes, les plus sollicités. Saturés de foot par des calendriers surchargés, les footballeurs fatigués sont sujets à des blessures plus fréquentes et plus graves. Sitôt terminés les championnats nationaux, il leur faut enchaîner avec les grandes compétitions internationales. Les clubs doivent orienter la préparation physique et mentale de leurs troupes afin de les conduire au money time de ces tournois majeurs dans leur meilleure forme. Sachant que dans les institutions qui disposent d'un effectif pléthorique facilitant une rotation de leurs joueurs, les remplaçants sont rarement au niveau des titulaires. D'où une discrépance au niveau des performances d'une même équipe aux dépens de la qualité du jeu. La pregnance des intérêts économiques des clubs les pousse à aligner systématiquement leur meilleure formation possible. Et souvent, quand les jeunes pousses s'avèrent à la hauteur de leurs partenaires de l'équipe type, elles vivent mal l'attente prolongée à user leurs culottes sur le banc des remplaçants. Selon des études réalisées en médecine sportive, chez un footballeur de haut niveau, si un temps de récupération de 3 à 4 jours entre deux matchs est suffisant pour maintenir son niveau de performance physique, il n'est pas assez long pour maintenir un taux réduit de blessures*. Les infirmeries des clubs remplies, voilà un problème pour les joueurs, les clubs, pas pour nos grandes instances !
Au-delà de l'usure du temps et des péripéties de la vie sportive, consolons-nous en nous remémorant Antoine Blondin : « les grandes équipes ne meurent jamais ». Au printemps, pour la récolte des lauriers, on devrait donc retrouver la plupart des grandes formations européennes. C'est le vœu que l'on peut leur adresser à l'approche de l'année nouvelle. En attendant, certaines d'entre elles sont malades. Et privées de l'antidote à la recette poison du docteur FIFA et du non moins implacable docteur UEFA : le méga calendrier de 2025 ! Un programme qui met en danger la santé des acteurs du jeu et la qualité du spectacle. Cela au moins, à Tiro Libre, nous pouvons le comprendre. Et le regretter.
Joyeux Noël à tous et à vos proches !
*"Effect of 2 soccer matches in a week on physical performance and injury rate", Gregory Dupont, Mathieu Nedelec, et al., The American Journal of Sports Medicine, vol 38, No 9