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La leçon du Clásico

Secret de polichinelle

Le collectif prime sur les individualités: voilà le système cher (!) à Florentino Pérez mis en échec ; d'une gifle assénée par une bande d'écoliers de La Masia, en visite guidée au Bernabéu. Telle est la leçon de l'ultime Clásico. Trois jours après avoir infligé au Bayern un retentissant 4 à 1, les culés ridiculisent les merengue dans leur nouvelle antre hollywoodienne. Un peu la chronique d'une mort annoncée, pour qui a suivi avec attention l'excellent début du Barça et les prestations poussives du Real en cette phase initiale de la Liga 2024-2025. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, la recette de la nouvelle crème catalane n'a rien de secret : un jeu collectif bien huilé parfaitement maîtrisé par une jeune génération enthousiaste de bons footballeurs. Fruit d'un travail cohérent, dans la continuité. L'héritage sportif de Johan Cruyff, père de La Masia, dévalorisant la galacticomanie de Florentino Pérez. Dire que pour en arriver là, il a fallu que la grave situation financière du FC Barcelone contraigne les dirigeants catalans à interrompre leur folle politique de recrutements dispendieux pour puiser dans leur magnifique vivier !

Des analogies

A travers ce nouvel épisode de la rivalité entre les deux grandes écuries de Castille et de Catalogne, sonne en résonance la situation actuelle à Manchester. Les lecteurs de Tiro Libre, au courant du legs du flying Dutchman, ne seront pas surpris de retrouver la filiation de Cruyff entre les Sky Blues et les Blaugranas ; expliquant les succès qui accompagnent le beau jeu collectif de City et laissant dans l'ombre le grand United, orphelin de Sir Alex Ferguson. Car là aussi, la mainmise des Cityzens sur la Premier League ne doit rien au hasard. Elle est l'aboutissement d'une politique sportive mûrie, mise en place par Txiki Begiristain. Et le mérite des Emirati n'est pas mince, de confier leur manne financière en de bonnes mains. Les Qataris du PSG, champions toutes catégories en incompétence managériale sportive, seraient bien inspirés de suivre cet exemple ! Si le directeur sportif Txiki a fait venir son ancien capitaine du Barça, Pep Guardiola, c'est pour bâtir à City une équipe sur le modèle des Blaugranas de Johan Cruyff.

La stratégie partagée par les deux élèves du maître hollandais est claire : appliquer le système de jeu et l'organisation de la dream team prônés par Cruyff. En recrutant des joueurs réceptifs à leur philosophie et complémentaires. Même si la richesse de l'effectif des Sky Blues a laissé filer à Chelsea la perle Cole Palmer. Pendant ces années, faute d'une vision stratégique bien définie, les Red Devils ont multiplié les recrutements de joueurs souvent médiatisés mais en fin de carrière et n'offrant pas de valeur ajoutée à leur effectif. Et ils ont alterné les entraîneurs sans projet de jeu par manque de continuité.

L'humiliation

Le panache du Barça d'Hansi Flick, avec sa défense en ligne haute systématique, concédait à un Real sans fond de jeu collectif mais vertical, des occasions franches sur des passes longues de ses défenseurs. Qui auraient puni les Catalans d'un break avant la mi-temps... Sans l'incroyable gâchis des attaquants madrilènes (trop) prestigieux ; par distraction, maladresse, individualisme. Même avec le regretté Toni Kroos qui aurait régalé les supporteurs de la Casa Blanca en mettant sur orbite les fusées Kylian et Vini, s'ils sont hors jeu à chaque fois, peine perdue ! Puis, la faiblesse des défenseurs merengue, abandonnés par des milieux transparents, a ouvert des boulevards au collectif bien léché des donneurs de leçon barcelonais ; avec un Lewandowski maître de son art, servi par un Rafinha euphorique et Casado, un (de plus !) remarquable passeur de 21 ans, diplômé de La Masia. Le Polonais a montré à Mbappé comment doit jouer un avant-centre. Cette fois, pour dicter sa loi, le FCB n'avait même pas besoin de son Jamal habituellement décisif ; pourtant gaucher auteur d'un golazo dans la lucarne gauche... de son pied droit, s'il vous plait ! Le reste de la partie a été une démonstration de foot collectif où l'intelligence est au service de la maîtrise technique et tactique. Avec de bonnes prestations de pratiquement tous ses joueurs, titulaires et remplaçants. Bravo et merci aux culés !

Vinicius Jr

Vini a raté son match. Hormis un centre brossé de l'extérieur droit ruiné par Mbappé et une belle action bien mal terminée en ignorant Kylian démarqué en bonne position. On a revu le Vinicius frustré, nerveux, protestataire, provocateur. Pas digne d'un ballon d'or.

Mbappé

Désespérant : face à la ligne haute des Catalans, enfin en jambes et motivé, Mbappé se trouvait dans les meilleures conditions pour faire briller son exceptionnelle vitesse. A Tiro Libre, on le voyait enfin lancer sa saison en fêtant son premier hat trick dans un Clásico. Las ! Il a réussi le rarissime exploit pour un attaquant prétendant au ballon d'or d'être sifflé huit fois pour hors jeu ! Un festival d'inattention, d'inintelligence, d'inadaptabilité, de maladresse difficiles à s'expliquer chez ce garçon qui nous a habitué à des vertus opposées. En tous cas, inexcusables chez un joueur de ce calibre.

Attention, Kylian : la patience et l'indulgence dont tu as bénéficié jusqu'à présent ne sont pas habituelles chez les madridistas ; ni dans les médias espagnols ; pas plus, probablement, chez tes illustres partenaires. Elles pourraient bientôt atteindre leurs limites. Et si le galactique annoncé à grand renfort de publicité ne fait plus vendre beaucoup de maillots, alors c'est Florentino qui risquerait de devenir moins compréhensif. Car si ton rendement sur le terrain ne s'avère pas justifié par rapport à l'investissement de l'Institution et que l'afición te prend en grippe, tu pourrais perdre le précieux soutien du président qui a voulu ta venue dans la Maison Blanche. Surtout dans la perspective de prochaines élections...

La Liga

L'histoire ne manque pas d'exemples de remontadas au classement du championnat d'Espagne. Toutefois, on voit mal aujourd'hui ce Barça nettement supérieur au Real, ne pas dominer la Liga. Surtout renforcé par le retour en forme des Olmo, Pedri, Gavi, de Jong. D'autant que la grande force de cette équipe est son jeu collectif que peuvent réciter de mémoire tous les joueurs de l'effectif. Quant au Real, il lui faut résoudre tant de problèmes : sa défense centrale est étrangement passive et les latéraux ne sont pas au niveau ; le milieu est transparent avec un Bellingham qui lutte obstinément mais est déjà cramé. Quel gâchis de le voir demi défensif ! Combien de temps l'artiste supportera-t-il de faire ce travail épuisant et peu valorisant dans une équipe sans meneur de jeu et sans premier rideau défensif ? Vini si souvent sauveur de la patrie, s'il n'est pas blessé, aura du mal à maintenir son niveau et maitriser ses nerfs.

Quand Mbappé va-t-il remonter la pente ? Il a retrouvé sa vitesse de course, pas celle gestuelle. L'ancien attaquant flamboyant reste emprunté et maladroit dans ses derniers gestes. Ce n'est pas un avant-centre. Et il le sait ! Brahim Diaz, Arda Güler, Endrick, Rodrygo ont le talent que requiert la rotation au sein de la plantilla. Mais il n'est pas facile de laisser sur la touche les stars médiatiques réclamées par les sponsors. Last but not the least, le Real n'a pas de fond de jeu collectif. Tela marinera... Pour Carletto, hay carne en el asador ! Et au sein de la Maison Blanche, est arrivée l'heure de choix douloureux.