La ruée vers l'or
La remise du Ballon d'Or, accompagnée de son traditionnel cortège de louanges et de protestations, est un évènement majeur dans le calendrier médiatique de la planète foot. Cette année, particulièrement, la fête qui récompense les meilleurs joueurs du moment déclenche des réactions passionnées dans la péninsule ibérique et ses territoires ultramarins. À la faveur d'un scénario inespéré pour ses promoteurs de France Football (groupe Amaury). Avec un "vainqueur surprise" et le boycott de la délégation du plus grand club du monde et de ses indignados (décidément, au pays de Cervantes, ils poussent comme des champignons !). Car en hommage au triomphe de Vinicius Jr que pris par la fièvre de l'or ils tenaient pour acquis, les merengue avaient déjà tout préparé pour offrir à leur star brésilienne une cérémonie à grand spectacle : de ces grand-messes dont le président Pérez est friand. Dans la foulée des célébrations du récent doublé espagnol Euro-JO.
Le vainqueur
Le conquérant du Graal des footballeurs, Rodri , est le meilleur demi défensif du monde. La force tranquille. Ses qualités athlétiques en font un excellent récupérateur. Et surtout, depuis sa base arrière, grâce à sa remarquable technique individuelle et sa vision du jeu au service d'un vrai sens collectif, c'est un modèle d'homme fort, tempéré ; précieux pour l'équilibre de Manchester City comme de la Roja. Guidé par son intelligence et sa générosité, Rodri se rend disponible en permanence en soutien de ses partenaires afin d'assurer, de son jeu bien huilé, le lien entre l'attaque et la défense. Il donne ainsi le tempo à son équipe en alternant passes courtes et longues, avec justesse. Et il peut aussi être déterminant par ses buts dans les moments importants. Autant de talents réunis chez un joueur ambitieux et un homme de personnalité qui semble encore resté modestement dans la litote. Un authentique leader par l'exemple, dont le rayonnement dans une équipe est contagieux. Cette saison, Il aura conduit City au succès en Premier League, malgré une baisse d'influence de De Bruyne et Bernardo Silva. Et il a mis la Roja sur le toit de l'Europe. Rodri est un beau vainqueur du Ballon d'Or.
Le premier accessit
Vinicius est l'attaquant décisif qui a mené le Real Madrid au triomphe en Liga et en coupe des clubs champions, notamment. Souvent isolé, aux prises avec plusieurs défenseurs, cet attaquant explosif est un irrésistible funambule qui réussit à imposer ses dribbles chaloupés, ses accélérations létales, de longues courses à répétition, des passes décisives et ses buts spectaculaires. Vini est un de ces rares joueurs imprévisibles dont la fantaisie et la créativité sont dans la tradition des artistes brésiliens, de Garincha à Ronaldinho ; ces footballeurs pour lesquels on débourse avec plaisir le prix d'entrée au stade. Il donne dans l'excès, mais sur le rectangle vert, par ses fulgurances, il est combatif et courageux. Malheureusement, il n'a pas réussi sa CAM ( Copa America ) . Et dans sa ruée vers l'or, Vinicius a montré une fâcheuse tendance à contester les décisions des arbitres. Et il n'est pas parvenu à rester maître de ses nerfs face aux multiples provocations, intimidations, agressions de rivaux souvent déroutés par ses brusques changements de direction ballon collé au pied ; sans compter les insultes haineuses de spectateurs racistes. Et Vini irrite pour son inclination au chambrage de ses adversaires. Or, le bon comportement sur le terrain fait aussi partie des critères à remplir pour postuler au Ballon d'Or.
Le vote de Tiro Libre
Notre blog n'échappe pas à cette tentation partagée avec bien des amoureux du foot de jouer les sélectionneurs nationaux. Il se prête à son tour volontiers au jeu de juge du Graal des footballeurs. Entre un grand artisan fiable et un artiste génial, non sans déplorer le râleur provocateur, Tiro Libre plébiscite l'enchanteur. Celui qui fait vibrer et rêver, en décidant tant de matches d'un Réal souvent ballotté par les équipes rivales et finalement victorieux grâce aux magies du Brésilien ; ces actions surgies de nulle part, fruits d'un instinct dont la nature n'a pas doté Rodri, au jeu plus académique, sans surprise, comme soigneusement programmé par quelque intelligence artificielle.
Hyper médiatisation
En attente de la divulgation du détail des votes des jurés, il n'est pas déraisonnable de penser que les voix de ses partenaires, Bellingham et Carvajal en particulier, auront manqué à Vinicius pour précéder Rodri. Quoi qu'il en soit, le Brésilien comme l'Espagnol étaient deux légitimes candidats à la récompense suprême. Dans une compétition au trophée qui, au cours de son histoire, aura connu des couronnements surprenants et des oublis injustes. Vrai, la cohérence dans le mode d'élection et le choix des électeurs ainsi que la transparence du processus électoral n'ont jamais caractérisé cette institution prestigieuse née en France. Aujourd'hui, L'hyper médiatisation de la Premier League assure une large retransmission des matchs du championnat anglais dans le monde entier. Au point qu'en Asie, par exemple, sont légion les supporters des clubs anglais où opèrent leurs idoles. Et les votes de certains juges ne laissent planer aucun doute : ils n'ont pas visionné beaucoup de rencontres d'autres compétitions européennes. Qu'importe, les organisateurs du ballon d'or se contrefichent de la transparence comme de la cohérence de leur grande opération médiatique annuelle. Ils sont intéressés, ô combien, par les retombées de l'opération. Le rachat des droits du Ballon d'Or par la richissime FIFA a relégué les critères sportifs à l'arrière-plan des préoccupations de France Football et de son bailleur de fonds par rapport aux énormes intérêts économiques dérivés (en particulier la vente du droit d'utilisation de la marque FIFA aux éditeurs de jeux vidéo ...) et politiques (démagogie, clientélisme à visée électorale...). Depuis quand le statut de journaliste sportif est-il un gage de compétence (et d'impartialité) pour comparer les performances des top joueurs ? La compétence sportive et l'équité ne sont pas pour demain . D'ailleurs , dans quels domaines et dans quels pays les élections sont-elles garantes d'objectivité et d'honnêteté ? Les critiques sur la formule et la réalisation du Ballon d'Or ne manquent pas . Et soyons réalistes : un vote sur tant de critères qualitatifs, peu factuels, ne satisfera jamais tous les prétendants et leurs supporteurs. Il faut donc que chaque compétiteur sache accepter la décision des juges avec fair play. Et militer pour la mise en place dès à présent de critères plus sérieux pour l'attribution du sacre. L'hyper médiatisation du Ballon d'Or a conduit les Espagnols à vendre la peau de l'ours... Un enthousiasme excessif et prématuré qui ramène à la fameuse première de couverture d'un grand quotidien sportif de la péninsule ibérique annonçant la retraite de Zidane... la veille de la victoire des Bleus qui expédia la Roja en vacances !
Autogoal
En boycottant la cérémonie de remise du Ballon d'Or, Florentino Pérez a marqué un but CSC (contre son camp ) : pour beaucoup d'acteurs et de suiveurs du football, il s'est donné l'image d'un mauvais perdant . Faute de goût d'un chantre du football spectacle. Du pain béni pour ses détracteurs, au moment où le président du Real Madrid se trouve engagé dans une guerre contre la FIFA et l'UEFA . En dépit de sa valeur, de son courage et du bien-fondé de son action, le combat se présente plus comme la lutte du pot de terre contre le pot de fer que d'un David terrassant Goliath. Car les hautes instances du football ont désormais beau jeu de faire passer Florentino pour un empêcheur de tourner en rond avec le ballon, d'or ou pas. Tandis qu'avec la nouvelle formule élargie de la Champions League, les dignitaires des institutions du sport universel se revendiquent défenseurs des pauvres et des opprimés. En offrant un soutien financier et une considération aux clubs qui ne font pas partie du gotha européen ; et en proposant à leurs supporters du rêve : la participation, jusqu'alors pour d'aucuns inespérée, à la plus grande compétition interclubs de la planète foot ; la possibilité de rencontrer les majeures écuries du circuit et de pénétrer dans des stades mythiques. Le manque de fair play de Florentino Pérez fait ainsi le jeu des fossoyeurs du projet de Super League. La FIFA maîtresse dans l'art des coups pas très francs (elle ne figure pas parmi les abonnés à Tiro Libre !), doit boire du petit lait. Et voilà un défaut de sportivité qui ne motivera pas Rodri à considérer avec intérêt les avances de la Maison Blanche ; décidée à enrôler ce Madrilène de l'école rivale de l'Atlético, dès juin 2025. Sûr qu'à City, on doit se frotter les mains de cet autogoal du président des merengue, plus surprenant à nos yeux que le choix du dernier Ballon d'Or. Oui, amis de Tiro Libre, Florentino nous avait habitué à davantage de pertinence et de diplomatie. La colère de l'orgueil blessé est mauvaise conseillère. En fin de compte, avec ou sans ballon, la fièvre de l'or continue à faire tourner bien des têtes.