L'avenir du foot

L'avenir du foot
Photo by Biblioteca Valenciana Nicolau Primitiu / Unsplash

Sport universel, le football gagnerait à s'inspirer de certains exemples de clubs ou joueurs de ballon rond ; et à suivre les leçons que nous donnent d'autres sports. En particulier le rugby. Notamment pour ses valeurs et ses efforts de constante remise en question.

Les « finisseurs »

Dans les sports collectifs modernes, les remplaçants jouent un rôle de plus en plus important. Les équipes apprécient leur fraîcheur physique précieuse en cours de rencontre ; et leur apport d'un niveau souvent comparable à celui des titulaires, voire supérieur. Assis sur le toit du rugby européen, le Stade Toulousain d'Hugo Mola doit nombre de ses succès, en particulier les plus retentissants, à la richesse et à la profondeur de son banc, garni de valeureux internationaux de tous horizons, baignés dans la philosophie du club : le jeu debout, ce fameux « jeu de mains, jeu de Toulousains ». Notons qu'avant chaque match du XV de France, Fabien Galthié présente la composition de son équipe par l'énoncé des « joueurs qui débuteront la rencontre » ; et des « finisseurs ». En rejetant le distinguo de l'appellation traditionnelle des « titulaires » et de leurs « remplaçants », le sélectionneur national affirme que la contribution et les mérites des différents rugbymen du club France sont équivalents. Les finisseurs de Galthier lui ont donné raison : en faisant basculer le sort de la récente finale de Dublin, ils ont permis le triomphe des Bleus au Tournoi des 6 Nations 2025.

Afin de remporter le combat physique exigé par le rugby moderne, Hugo Mola et Fabien Galthié vont plus loin : ils limitent à un ou deux joueurs polyvalents les finisseurs des lignes arrières, pour bénéficier de l'apport athlétique de davantage de puissants avants reposés. Un choix courageux, que récompensent les succès des équipes de ces deux entraîneurs. La Premier League valorise les « supersubs », ces remplaçants de luxe qui font régulièrement la différence en faveur de leurs équipes lorsqu'ils entrent en jeu ; à l'image de Solskjaer, protagoniste privilégié de ce célèbre « Fergie time» du Manchester United de Sir Alex ; et dont la popularité au Royaume Uni reste gravée dans les mémoires.

À Tiro Libre, on regrette que Carlo Ancelotti qui dénonce légitimement un calendrier toujours plus surchargé, n'applique pas la recette des Galthié et autres Ferguson : solliciter davantage les jeunes footballeurs talentueux qui se morfondent en bord de terrain sur le banc des remplaçants. Trop rarement titularisés et utilisés en toute fin de match, ils ne sont pas considérés comme des « super remplaçants ». Pourtant, la Maison Blanche doit certaines de ses victoires prestigieuses aux finisseurs décisifs que savent être les Rodrigo, Brahim Diaz, Camavinga, Endrick, Güler, tous annoncés comme promis à un avenir radieux.

La surprise

Les progrès réalisés dans la formation et l'entraînement des footballeurs ont vu le développement de leurs qualités athlétiques plus marqué que leur évolution en termes de technique et d'inspiration. On observe un nivellement des joueurs et du jeu. Pour se démarquer des autres équipes, certains coachs tentent de provoquer chez les adversaires un effet de surprise. Spécialement dans l'organisation des teams et par l'alternance de systèmes de jeu différents. Dans cet esprit, le grand Ajax d'Amsterdam, adepte du « football total », excellait dans l'art de changer son schéma tactique durant les rencontres. En cours de match, sans préavis, les Bataves n'hésitaient pas à interrompre de longues séquences en défense de zone, voire en individuelle stricte, en s'alignant soudain pour précipiter les attaquants adverses dans le piège du hors-jeu.

Les coéquipiers de Johan Cruyff alternaient défense haute et basse. De sorte qu'à tout moment, un pressing offensif asphyxiant leurs rivaux désemparés pouvait jaillir d'une formation jusqu'alors repliée dans sa moitié de terrain. D'autant que les Ajax men, entraînés à la polyvalence, permutaient volontiers, les arrières plongeant à l'attaque et les avants devenant défenseurs. L'une des grandes forces du Real Madrid des Di Stefano, Kopa, Puskas était sa capacité de rompre un faux train assurant la possession du ballon, en accélérant brusquement le rythme du jeu. Durant quelques séquences de plusieurs minutes au cours d'un même match, les Merengue devenaient irrésistibles. Le Real perpétue cette tradition qui permet encore aux pensionnaires de la Casa Blanca de renverser la table dans des situations où la défaite leur semble promise.

Les variations de tempo étaient également la marque du futebol samba du Santos FC (« Pelé FC ») et du Brésil de 70. Le pressing de Cruyff généralisé par Guardiola, puis le contre-pressing de Klopp participent de cette volonté de dérouter l'adversaire surpris de se retrouver agressé. La réussite de tels changements se retrouve dans des formations spécialement entraînées à la gestion des temps forts, sous la baguette de leaders charismatiques du calibre d'O Rey, de l'Ange D'Amsterdam, de Kaiser Franz... En rugby, sont privilégiés les turnovers, actions défensives qui sont autant de potentiels tremplins pour déclencher de redoutables offensives. Le handball propose constamment des changements de configuration, du mur défensif aux contre-attaques rapides, du 6-0 au 3-2-1 ou 5-1. Le basket illustre l'alternance, notamment entre l'individuelle et la zone press, visant à une meilleure efficacité défensive là encore source d'attaques tranchantes, en 1-2-1-1 ou en 2-2-1.

Pressing haut

Certains grands attaquants tels Ronaldo (Nazario et Cristiano) ou Mbappé, sont rétifs à se lancer au pressing des défenseurs adverses. Ces gagneurs sont soucieux de préserver leur fraîcheur physique et leur clairvoyance, afin d'embellir leurs statistiques personnelles ; source de gloire et de valeur financière. Dommage pour leurs équipes car le pressing bien exécuté collectivement est une arme redoutable : il entrave la relance adverse, facilitant la récupération du ballon. Directement ; ou indirectement, en induisant chez l'adversaire une relance approximative qui favorise chez les « haut presseurs » (!) la possession, indispensable au déclenchement de contre-attaques soudaines ou à l'élaboration d'actions offensives.

Le pressing invite défenseurs et milieux de terrain à un positionnement haut qui, réduisant les distances entre les joueurs, diminue leur fatigue. Un bloc équipe homogène assure ainsi la possession du cuir et la construction des attaques. À cet égard, l'expérience de Guardiola au Bayern s'est traduite par des records du nombre de victoires et de points marqués en Bundesliga. Aujourd'hui, Il serait séduisant de mettre au service des qualités (techniques, en particulier) hors normes des attaquants du Real, une domination et une effectivité réelles. Grâce à un véritable pressing collectif ; qui faciliterait le gain de la bataille de l'entrejeu et réduirait les errements des défenseurs merengue : Cruyff ne répétait pas par hasard que la meilleure défense est l'attaque !

Voilà qui impliquerait de la part des prime donne madrilènes une combattivité et des sacrifices individuels au profit de l'équipe ; l'acceptation d'un travail pénible et peu gratifiant, pour lequel leur égo n'est pas préparé. Une abnégation présente chez les rugbymen, dont les footeux feraient bien de s'inspirer. Comme le choix préférentiel parmi les supersubsd'attaquants et milieux de terrain en charge de presser leurs adversaires. Mais qui donc aurait le courage d'imposer à des candidats au ballon d'Or, les efforts requis pour l'application continue d'un pressing de qualité ? Bielsa, sans doute. Il est permis de penser que c'est en raison de son audace que le technicien argentin est surnommé « el loco » !

L'arbitrage

En football, les arbitres rechignent à sanctionner de cartons jaunes les fautes volontaires, l'anti-jeu et les gestes dangereux pour l'intégrité physique des joueurs. Ne disposant pas de l'expulsion temporaire comme leurs collègues de divers sports collectifs, ils ont peur d'être contraints à expulser les fautifs dès la prochaine infraction commise. En se refusant à appliquer le règlement, les referees sont de facto complices des comportements illicites à répétition qui polluent nos matchs de foot. Faut dire que nos arbitres connaissent la solitude du coureur de fond : ils devraient assurer le respect des règles, garantir la sécurité des joueurs et veiller au bon déroulement de la rencontre. Et ils ne sont pas respectés ! Ni des joueurs, ni des dirigeants, ni du public.

L'arbitre central est décisionnaire. Mais isolé. Ses assistants lui sont de peu d'aide, cantonnés à une attitude passive : deux en bord de touche et un « hors du terrain », brillant par l'éclat de leur transparence. Ce dernier reçoit à longueur de rencontres les doléances de dirigeants mécontents et souvent agressifs. Quant aux assistants de la VAR, ils interviennent à la (bien trop) rare demande de l'arbitre central. Pour valider ses décisions, surtout d'accorder des buts, des pénaltys ou des cartons rouges directs ; et quelquefois les invalider. Une sorte d'« armata Brancaleone » de nos amis italiens... Et pendant tout ce temps, me direz-vous, que font les Instances du football ? « Mais chez ces gens-là, Monsieur, on ne pense pas. On compte... »

En Ovalie, l'arbitrage repose sur une équipe coordonnée qui assiste l'arbitre central dans un esprit de collaboration favorisant une communication permanente ; entre deux juges de touche et un arbitre de la VAR. L'arbitre central veille à l'application scrupuleuse des règles de la World Rugby : il n'hésite pas à sanctionner avec sévérité les infractions et assure la fluidité du jeu. Il est le garant du respect de la discipline et de l'équité dans ses décisions techniques. Son autorité repose singulièrement sur sa pédagogie et son écoute empathique des capitaines d'équipe autorisés à s'adresser à lui.

2 arbitres de handball officient avec les mêmes prérogatives, assistés d'un chronométreur et d'un secrétaire qui tient la feuille de match. Au basket, l'arbitre principal, décisionnaire, est assisté d'un aide-arbitre et d'un troisième arbitre. On voit bien tout ce que le football aurait à apprendre des différents sports collectifs, dont le maître mot est le respect.

Ah ! Les filles

Heureusement, le football féminin nous montre que le ballon rond peut encore se pratiquer dans un bon esprit. Sur et en dehors du terrain. Sans déprécier les règles du jeu, les adversaires, l'arbitrage et le public. Les footballeuses ne bloquent pas systématiquement les offensives de leurs adversaires en les tirant par le maillot ou en les fauchant en pleine course. Elles ne font pas de chaque coup de pied de coin une foire d'empoigne. Elles ne se précipitent pas en nombre sur l'arbitre pour contester ses décisions.

Nous limiterons ici la longue liste des comportements inadmissibles tolérés dans le foot masculin par le laxisme d'un arbitrage permissif ; encouragé par des instances qui accordent la priorité à la gestion politique et financière de leurs riches institutions, sur leur mission éducationnelle. Car dans un monde où, paraît-il, il n'est rien de constant si ce n'est le changement, on voudrait croire que les good girls remettront nos bad boys dans le droit chemin. Et que chez nos décideurs, l'audace prévaudra sur la traditionnelle démarche prudentielle. Amis de Tiro Libre : la femme est l'avenir du foot... Si le football masculin a été précurseur, le foot ball féminin doit être l'exemple à suivre. De quoi maintenir l'optimisme dicté par notre amour du ballon rond.

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